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L'usage des châtiments corporels à l'école : pourquoi est-ce mauvais ?


Par Samuel Diackson Joseph


Par définition, l'éducation est l'acte d'élever, de former un enfant, de développer ses facultés intellectuelles et morales. Par contre, lorsqu'il vient à corriger un mauvais comportement ou d'accentuer l'importance du travail scolaire, beaucoup d'écoles ont recours aux châtiments corporels, qui sont généralement des peines violentes infligées aux écoliers. Du coup, cela vient entraver l'essence de l'éducation dont le but est d'accroître les capacités cognitives d'un individu dans un climat stable et approprié. Puisque user de la violence ne fait qu'aboutir à la crainte et à la frustration, tout au long de cette réflexion, je vais poser essentiellement le doigt sur l'histoire des punitions à travers certaines civilisations, ce qui vous permettra d'avoir une plus large idée de l'objet que fait celles-ci, des différentes approches qui démontrent leurs inefficacités, des conséquences pédagogiques et psychologiques de ces dernières et finalement, pourquoi malgré tout, cette pratique perdure dans nos institutions?

Pour être précis, les châtiments de corps n'ont pas une origine bien spécifique, ils sont présents dans presque toutes les civilisations. Prenons par exemple la Grèce antique où Platon relata l'usage des punitions corporelles sur les enfants. Il fit des déclarations controversées à ce sujet, tels que: « Si l'enfant obéit, c'est bien ; sinon, il est redressé par des menaces et par des coups comme un bout de bois. » Dans La République , il affirma: « Formez vos enfants dans leurs études non par la contrainte, mais par des jeux, et vous pourrez mieux observer leurs résultats naturels. » Quant à Rome, les enfants étaient également soumis à cette forme de violence. Horace lui-même témoigna que son précepteur Orbilius le flagellait et au point que ça a bouleversé toute sa jeunesse. En passant, c'est là que le mot orbilianisme qui traduit l'usage des châtiments de corps a pris son origine.

En ce qui a trait au Moyen Âge, on pensait que les châtiments de corps étaient inhérents à l'éducation et indispensables pour garder la foi des plus jeunes. C'est ce qui amena l'historien Phillipe Ariès a déclaré que c'était une société qui n'a jamais aimé les enfants. Contrairement à cette période, la renaissance était en parfaite opposition à cet usage. Elle s'inspirait de Quintilien et de Plutarque. Érasme dans son De pueris statim ac libèraliter instituendis souligne que lorsque le maître châtie l'élève, la faute ne doit pas être attribuée à l'enfant mais à la paresse et à l'incompétence de l'instructeur. Aussi, il écrivit : « On ne dirait pas que c'est une école, mais une salle de torture : on n'y entend que crépitement de férules, sifflements de verges, cris et sanglots, menaces épouvantables. »

 

Par contre, les réformistes à l'instar de Luther et de John Wesley ne voyaient pas les choses sous cet angle. Ils pensaient fermement que la verge est le meilleur moyen de prouver son amour pour sa progéniture comme il est mentionné dans les proverbes. Ainsi, les punitions sont incorporées à travers les âges et sont appréciées ou dépréciées dépendamment de la manière de concevoir l'éducation au regard des différentes époques.

En outre, revenons en Haïti. Pour beaucoup, l’usage des châtiments corporels est un héritage colonial; La culture du fouet est une séquelle récurrente à l'esclavage. Or, après l'indépendance, on a légué notre éducation à l'église catholique qui usait de cette méthode pédagogique. Ce phénomène est passé de la normalisation à une certaine construction culturelle. Cette pratique affirme la parentalité haïtienne et c'est pour ces parents, eux-mêmes élevés de la sorte, l'unique moyen connu pour discipliner ou encore mieux, orienter leurs progénitures. Du coup, il est difficile de briser ce cercle vicieux.

La flagellation est le principal châtiment infligé aux écoliers haïtiens. Ceux qui se rangent aux côtés de cette forme de discipline ont majoritairement la bible comme support premier. Rappelons que notre pays a une forte influence judéo-chrétienne. Ils se sourcent dans le livre des proverbes avec les versets suivants:

« Celui qui ménage les verges hait son fils, mais celui qui l'aime le corrige de bonne heure » (13,23) ;

« Tant qu'il y a de l'espoir, châtie ton fils ! Mais ne va pas jusqu'à le faire mourir » (19,18) ;

« La folie est ancrée au coeur de l'enfant, le fouet bien appliqué l'en délivre » (22,15) ;

« Ne ménage pas à l'enfant la correction, si tu le frappes de la baguette, il n'en mourra pas » (23,13).

« Qui aime son fils lui prodigue le fouet, plus tard, ce fils sera sa consolation » (30,1) ;

« Fais-lui courber l'échine pendant sa jeunesse, meurtris-lui les côtes tant qu'il est enfant, de crainte que, révolté, il ne te désobéisse et que tu n'en éprouves de la peine » (30, 12).

Cependant, voyons en quoi ces paroles fébriles, en considérant l'avis de certains penseurs de l'antiquité qui les ont déjà contesté sont jugées absurdes compte tenu de la réalité.

Quintilien a dénoncé ces horreurs comme suit: « La douleur et la crainte font faire aux enfants des choses qu'on ne saurait honnêtement rapporter et qui, bientôt, les couvrent de honte. C'est bien pis encore si on a négligé de s'assurer des moeurs des surveillants et des maîtres. Je n'ose dire, ni les infamies auxquelles des hommes abominables se laissent abaisser par leur droit de correction manuelle, ni les attentats dont la peur des malheureux enfants suscite parfois l'occasion pour d'autres : on ne m'a que trop compris. » Selon ses dires, on peut constater que le châtiment corporel est inadmissible et ignoble. Plutarque aussi à peu près à la même époque dénonce également les châtiments corporels dans l'éducation pour les mêmes raisons que Quintilien.

Au-delà de tout, aucune approche de ce genre ne tient la route, parce que d'un autre côté, on vit dans un pays où comme tous les autres,il y a des règles. Nos croyances chrétiennes ne dépassent pas la société bien qu'elle soient une partie intégrante. On ne peut pas prétendre violer la loi qui régit le bon fonctionnement d'un groupement humain sous un prétexte religieux. La législation haïtienne interdit formellement cette pratique dans la loi du 10 septembre 2001. Au cas où cette loi est enfreinte, le ministère des affaires sociales est le mieux placé pour gérer la situation. Cette loi stipule que toute personne ou institution qui soit responsable de violence à l'encontre d'un enfant, sera licencié ou fermé et condamné selon le code pénal. De ce fait, comment une institution scolaire qui se donne pour mission de former des citoyens peut-elle bafouer la loi? Peut-on discipliner dans l'irrespect des règles? Ne serait-ce pas aussi un peu de l'irresponsabilité de l'État? À vous également d'en juger!

Il est nécessaire de souligner les conséquences qui suivent, relevées par des études scientifiques réalisées à ce sujet. Les punitions corporelles sont une entrave au veloppement cognitif des enfants. En ce sens, les élèves souvent fouettés sont plus désobéissants que les autres. Ces tortures physiques ne diminuent pas la délinquance. Au contraire, elles provoquent une baisse d'estime de soi et d'amour-propre chez l'enfant. Elles encouragent des personnalités très effacées ou agressives. L'usage des châtiments de corps fait croire à l'enfant que la violence est une option valable pour résoudre un conflit. Un enfant battu à plus de chance de frapper ses proches et son conjoint en devenant adulte et tout au plus, la dépression et certains comportements anti-sociaux sont observés chez les enfants soumis à cette pratique.

La responsabilité de l'état se doit d'être plus concrète pour pouvoir remédier à ce problème, au-delà du fait que nos dirigeants ont signé des conventions et l'ont formellement interdit sur le plan juridique. II y a aussi l'esprit vengeur de nos éducateurs qui en ont été des victimes et qui font des victimes. Cette aggressivité se transmet de génération en génération. On minimise ses effets catastrophiques en nous appuyant sur le fait qu'elle est ancrée dans nos habitudes alors qu'il existe énormément de pratiques liées directement à notre culture qu'on néglige et qui pourtant, pourrait être utile à notre société mais qui ne reçoivent pas ce même engouement. Le pire, c'est que les élèves en position de subordination sont quasi-incapable de défendre leurs droits en tant qu'êtres n'ayant pas à être soumis à cette forme d'abus.

Il est absolument évident que le développement intégral d'un enfant doit être fait dans un environnement tout est balancé. Où il existe une relation de confiance entre lui, ses parents et son éducateur. Ce n'est pas logique qu'un élève perçoit un enseignant comme un bourreau, un ennemi. L'une des questions que vous vous poserez certainement si on supprime le fouet dans l'éducation renvoie à la suivante : De quelle manière pourrait-on à présent discipliner? Je vous répondrai qu'il existe bien des sanctions sans danger. Je peux même vous proposer la méthode Gordon et la discipline positive  où on élabore des contrats avec l'enfant comme alternative. Il existe plein d'autres manières d'obtenir de meilleurs résultats en recherchant l'assistance de psychologues et dducateurs chevronnés capables de donner des conseils et des techniques fiables.

J'ai exposé mon humble avis sur la question tout en restant le plus rationnel possible mais pour épiloguer, je tiens à vous laisser avec ces interrogations: Doit-on apprendre par amour ou pour éviter de se faire fouetter? En scrutant notre société et le comportement de nos citoyens, peut-on affirmer que cette forme de discipline est une réussite  ?


 

 

Commentaires

  1. Très bel article,je vous en félicite !

    Le point à souligner dans le texte c'est qu'il faut une relation de confiance entre l'enfant,ses parents et l'enseignant !
    Dans la plupart des cas, un enfant dont les parents ont toujours recours au fouet a pour tendance de n'être respectueux ou studieux qu'en présence de tels recours et vice versa.

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