Mais comment c'est possible qu'un cœur vide soit pourtant si lourd à porter ? Cette interrogation, tel un refrain lancinant, résonne dans les tréfonds de mon être. Elle est l'écho d'un paradoxe qui me consume, la manifestation sonore d'une contradiction qui déchire la trame même de mon existence.
Mon cœur, cet organe censé être le siège de la vie et des émotions, n'est plus qu'un gouffre béant. Un vide absolu, noir comme les profondeurs insondables de l'univers. Et pourtant, ce néant pèse sur moi avec la force d'un trou noir, aspirant toute lumière, toute joie, toute substance de mon être.
Chaque battement de ce cœur creux résonne comme le glas de mes espoirs perdus. Chaque pulsation est un rappel cruel de ce qui n'est plus, de ce qui ne sera peut-être jamais. Le sang qui circule dans mes veines semble charrié une absence si dense qu'elle menace de me broyer de l'intérieur.
Je me déplace dans le monde comme un fantôme lesté de plomb. Les autres ne voient qu'une enveloppe vide, ignorant le combat titanesque qui se joue à chaque instant pour simplement rester debout. Car ce vide n'est pas une simple absence ; c'est une présence négative, une anti-matière émotionnelle qui dévore tout sur son passage.
J'ai tenté de combler ce gouffre, oh comme j'ai essayé ! J'ai jeté dans cet abîme des amours passionnées, des amitiés profondes, des quêtes existentielles. Mais tout a été englouti, digéré par ce néant vorace. Et chaque tentative n'a fait qu'agrandir le vide, le rendant plus lourd, plus dense, plus intolérable.
La nuit, dans la solitude de ma chambre, je sens ce cœur vide pulser avec une force terrifiante. Son rythme n'est plus celui de la vie, mais celui d'une horloge cosmique qui égrène les secondes d'une existence dénuée de sens. Je me demande alors si ce n'est pas le poids de toutes les possibilités non réalisées, de tous les chemins non empruntés, qui pèse si lourdement sur ma poitrine.
Je navigue dans la vie comme un naufragé sur une mer d'indifférence. D'un côté, le désir désespéré de ressentir à nouveau, de remplir ce vide qui me définit désormais. De l'autre, la terreur glaciale que toute émotion ne soit qu'une goutte d'eau dans un désert infini, aussitôt évaporée, ne laissant qu'une soif plus ardente encore.
Il y a des moments où j'envie ceux dont le cœur saigne, ceux qui pleurent, qui crient, qui se débattent contre la douleur. Au moins sont-ils vivants. Au moins leur cœur vibre-t-il encore au rythme de l'existence. Le mien n'est qu'un trou noir émotionnel, aspirant toute sensation dans son néant implacable.
Parfois, dans un élan de désespoir, je rêve de m'ouvrir la poitrine et d'arracher ce cœur vide. De le jeter au loin, de me libérer enfin de ce fardeau invisible. Mais je sais, au plus profond de moi, que ce geste serait vain. Car ce vide n'est pas confiné à mon cœur ; il a colonisé chaque cellule de mon corps, chaque neurone de mon cerveau. Je suis devenu le vide, et le vide est devenu moi.
Alors je continue, jour après jour, à traîner ce cœur vide comme un boulet invisible. Je souris aux autres, je hoche la tête, je mime les gestes d'une vie que je ne ressens plus. Mais à chaque instant, je sens le poids de ce néant qui me tire vers les profondeurs, vers un abîme sans fond où même l'écho de mes cris se perd.
Et dans le silence assourdissant de mon être, je me demande encore et encore, avec une curiosité mêlée de désespoir : mais comment c'est possible qu'un cœur vide soit pourtant si lourd à porter ? Cette question, sans réponse, devient ma seule compagne dans l'immensité de ma solitude intérieure, le seul fil ténu qui me rattache encore à une forme d'existence.
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