Mes mauvaises pensées se fixent au corps des gens que j'aime. Telles des sangsues invisibles, elles s'accrochent à leur peau, se nourrissant de leur lumière, de leur joie, de leur innocence. Je les vois, ces pensées sombres, ramper sur leurs visages souriants, s'infiltrer dans leurs yeux confiants, contaminer leur amour pur de leur venin noir.
Oh, comme je voudrais pouvoir les arracher ! Comme je rêve de pouvoir nettoyer les êtres chers de cette souillure qui émane de mon esprit torturé. Mais plus je lutte, plus elles semblent se multiplier, se répandre comme une maladie insidieuse. Chaque sourire qu'on m'adresse devient le terrain de jeu de mes démons intérieurs. Chaque geste d'affection se transforme en une toile où mes angoisses tissent leurs fils empoisonnés. Je vois l'inquiétude dans leurs yeux, cette ombre fugace qui passe quand ils sentent, sans vraiment comprendre, le poids de mes tourments.
Je suis devenu le Midas de la mélancolie. Tout ce que je touche, tout ce que j'aime, se teinte de gris. Les rires joyeux se muent en échos lointains, étouffés par le brouhaha de mes pensées chaotiques. Les moments de bonheur simple sont engloutis par l'abîme de mes doutes et de mes peurs. Comment leur dire ? Comment expliquer que mon amour pour eux est précisément ce qui nourrit ces parasites de l'âme ? Plus je les chéris, plus mes pensées noires trouvent de force pour s'accrocher à eux. C'est un cycle infernal, une spirale descendante où chaque marque d'affection devient une nouvelle opportunité pour mes démons de se manifester.
Je les observe, mes êtres chers, ignorants du combat qui fait rage en moi. Je les vois rire, vivre, aimer, inconscients des ombres que je projette sur eux. Et cette inconscience même devient une nouvelle source de tourment. Car je sais que tôt ou tard, ils verront. Ils comprendront. Et alors, que restera-t-il ?
Parfois, dans mes moments les plus sombres, je songe à fuir. À m'isoler, à couper tous les ponts, à devenir une île de noirceur au milieu d'un océan d'indifférence. Peut-être qu'ainsi, je pourrais les protéger. Peut-être qu'en m'éloignant, je pourrais empêcher mes pensées toxiques de les atteindre. Mais même cette idée se transforme en poison. Car l'absence n'est-elle pas aussi une forme de contamination ? Mon départ ne serait-il pas la preuve ultime de la victoire de mes mauvaises pensées ?
Alors je reste. Je lutte. Chaque jour est un combat contre moi-même, contre ces parasites qui cherchent à dévorer tout ce qui est beau et pur dans ma vie. Je m'efforce de sourire, de participer, d'aimer, tout en sachant que chaque geste est une nouvelle opportunité pour mes démons de se manifester. J'aimerais pouvoir leur crier de fuir, de se sauver tant qu'il en est encore temps. Mais les mots restent coincés dans ma gorge, étouffés par la peur et la honte. Alors je continue à les aimer, silencieusement, désespérément, espérant contre tout espoir qu'un jour, mes pensées noires se lasseront et les laisseront enfin en paix.
En attendant, je reste le gardien vigilant de ce secret toxique, observant avec une terreur muette mes mauvaises pensées qui se fixent, encore et toujours, au corps des gens que j'aime.
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