Au mois d'octobre dernier, le dictionnaire Le Petit Robert a introduit dans sa version en ligne le pronom sujet non genré iel(s) qui se définit comme un pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. C'est en effet une réclamation de la communauté LGBTQI+ qui revendique l'identification des personnes non-binaires¹ dans la langue française. Cela ne manque pas d'enflammer la toile. Linguistes, sociologues, personnalités publiques ne manquent pas de donner leur avis sur cet ajout soudain.
Pour le lexicographe du dictionnaire Larousse Bernard Cerquiglini " On ne touche pas au système de la langue. Or, les pronoms n'ont pas changé depuis le IVe siècle. "
Pour Brigitte Macron, première dame de France et ancienne professeure de français: " La langue française est si belle. Et deux pronoms c'est bien." Mais avant elle, le ministre de l'éducation nationale, Jean Michel Blanquer s'était exprimé à ce sujet: «On ne doit pas triturer la langue française, quelles que soient les causes. Le féminisme est une grande cause, mais elle ne justifie pas le fait de triturer le français. Il est très bon de féminiser les noms de professions (...) En revanche le point médian et les modifications inopinées, ça n’est bon à aucun titre (...). La langue française est suffisamment complexe comme ça, nous n’avons pas besoin d’en rajouter.»
Le linguiste Jean Pruvost considère cela comme une aberration: " Le pronom iel est inutile et discourtois. C’est une aberration. Sous couvert d’égalité, le masculin reste toujours devant le féminin : dans iel, il est placé devant elle."
Mais malgré tous ses détracteurs, Le Petit Robert reste ferme sur sa position en argumentant que la langue française ne doit stigmatiser personne. Il se dit entrer dans une démarche inclusive.
Les lexicographes du Petit Robert ont considéré que leur site est un service public, gratuit, accessible à tous et qu’il est important de répondre à ces requêtes et donc de définir "iel". Il y a, par conséquent, une volonté de remplir la mission proposée par un dictionnaire en ligne accessible à tous et d'informer les autres d'un usage, certes minoritaire, mais néanmoins existant.- France Culture.
Toute fois, il y a certaines personnalités, comme Marc-Olivier Loiseau, chercheur spécialiste de l’Histoire de la langue qui voit la chose d'une autre manière: « Cela peut ouvrir la discussion sur la non-binarité, comme cela a été le cas pour la féminisation des noms de métiers. Le fait d’en parler a entraîné des débats sur la place des femmes dans le monde du travail. »
« La mission du Robert est d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement, diverse, et d’en rendre compte. Définir les mots qui disent le monde, c'est aider à mieux le comprendre. »
Le français n'est pas seul
Le problème de l'identité du genre par rapport aux personnes non binaires n'est pas relevé simplement dans la langue française, d'après ce que nous avons relevé dans un article de France Culture dans un article consacré à la linguiste Julie Neuveux, depuis longtemps, la majorité des locuteurs anglais utilisent "they" au singulier, alors que c’est une forme de pluriel, pour faire référence à une personne dont on ne veut pas dire le genre. "A person came, they said.", "Une personne est venue, iel a dit" En espagnol, il existe une autre proposition qui suscite le débat, celle de la terminaison "e" pour ne pas devoir choisir entre les terminaisons "o" du masculin et "a" du féminin.
Un petit problème linguistique
Depuis des siècles, c'est le masculin qui joue le rôle de neutre dans la langue française. La grande question serait donc, comment va t-on accorder le pronom iel avec les adjectifs? Il faut donc dire vilain ou vilaine quand on doit accorder avec ce pronom?
Le combat des personnes non-binaires reste entier si nous considérons ce petit problème linguistique. Mais néanmoins, comme le souligne Marc-Olivier Loiseau, cela ouvre les portes pour une analyse sociologique et fait voir que la langue peut, en elle-même, être dérangeante et discriminatoire. Elle peut intégrer une partie et exclure une autre. Cette vague de protestation offre tout de même au conservateur la possibilité de regarder le monde d'une autre manière.
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¹ Qualifie les gens qui ne s'identifient ni masculin ni féminin.
Aberration pure et dure!
RépondreSupprimerJe viens tout juste de découvrir tout ça,et je remercie grandement le rédacteur de nous tenir au courant de tout ça.
RépondreSupprimerMais dans tout ça je trouve que le monde est tombé dans son propre piège.
Sa manie de mettre de l'ordre partout et que même dans cet ordre règne le désordre va le perdre.
Le monde est trop savant!